Récemment, la conseillère conjugale que je suis, s'est abandonnée au visionnage de la série Netflix "Supersex" (2024), mettant en scène de manière plus ou moins fictionnelle la vie de Rocco Siffredi, acteur star du porno.
En amont, j'avais pris le temps de parcourir quelques critiques du monde de la culture, qui ne manquèrent pas de rabaisser cette série et l'homme l'ayant inspirée. Et pourtant j'ai enchainé les épisodes.
Est-ce que cela traite de sexe ? Oui.
Est-ce qu'il y a de la misère humaine ? Oui.
Est-ce qu'il y a des moments de violence ? La réponse est encore oui.
Mais il y a aussi autre chose, et plus que cela.
" Toi, tu n'aimes pas vraiment le sexe ?"
Rocco, issu d'un milieu pauvre, devient une étoile montante du cinéma pornographique en explorant différents registres de sa sexualité de jeune homme : la jouissance, la performance, la liberté.
Il tourne alors régulièrement, notamment avec une jeune femme elle aussi star montante de cette industrie. Tous les hommes ont envie d'elle et pourtant, Rocco comprend subrepticement que quelque chose ne fonctionne pas tout à fait quand il tourne une scène avec elle.
Sa partenaire s'ennuie. Elle n'aime pas vraiment faire l'amour, ni dans la vie, ni face à une caméra.
Est-ce à dire qu'il faut aimer faire l'amour pour tourner des films porno ? Chaque adulte sera libre de construire sa réponse ...
Pour autant, le personnage de Rocco comprend la distance qui existe entre ce que cette femme donne à voir quand elle joue, et ce qu'elle semble éprouver quand elle (ne) jouit (pas).
Ce décalage entre image et ressenti est un axe intéressant de travail dans une dynamique psycho-corporelle. Une sexualité épanouie repose en effet sur un alignement entre ce qui est vécu, ressenti et ce qui se donne à partager. Tout un chemin ...
"Tu ne sais pas faire l'amour, juste baiser"
Le personnage de Rocco, devenu un acteur "accompli", recherché et valorisé professionnellement, rencontre une femme dont il va tomber amoureux. Elle accepte son métier, ils tourneront même certains films ensemble.
Néanmoins, quand ils font l'amour, au début de leur relation, elle se sent inconfortable et il s'en rend compte. Rocco croit que cela est dû à son travail; mais la raison n'est pas là.
Sa compagne va l'étonner en lui exprimant "qu'il ne sait pas comment faire l'amour". L'homme tombe de haut, dans la mesure où il est un professionnel du sexe (ou du moins c'est ce qu'il croit).
Et pourtant sa partenaire persiste. Selon elle, si Rocco sait comment "baiser", il ignore comment faire l'amour...
Ce nouveau décalage illustre les différentes dimensions nécessaires à un rapport sexuel épanoui : le langage du corps, le langage des émotions, et la compréhension des normes qui encadrent la sexualité ici et maintenant.
Rocco va entendre, et apprendre ...
"Les femmes sont mes égales "
Une scène m'a particulièrement interpellée. Rocco tourne une scène que l'on pourrait qualifier de "hard porno", avec une partenaire qui est rabaissée pendant l'acte, et malmenée. Voir cette scène m'a mise mal à l'aise. Je l'ai trouvée loin de moi, de mes représentations. Et pourtant les français consomment du porno. Pourquoi ?
Après cette scène difficile, Rocco échange avec une amie de longue date, au sujet de ce qu'il s'est passé, et plus généralement de la sexualité entre les hommes et les femmes. Bien évidemment ils ne seront pas d'accord. Au-delà de la recherche de la "vérité", j'ai été surprise par les mots exprimés par le personnage de Rocco :
" Quand les femmes me regardent, elles voient que je ne les juge pas.
Que je ne cherche pas à les punir.
Qu'elles peuvent avoir confiance en moi.
Qu'elles peuvent s'abandonner, qu'elles peuvent jouir.
Qu'elles sont mes égales."
La thérapeute que je suis s'est beaucoup questionnée en entendant ces paroles. Je les ai même retranscrites dans cet article.
En entretien ou en atelier, les questions qui me viennent à l'esprit seraient les suivantes :
Qu'est-ce qu'être l'égale d'un homme ?
A quelles conditions une femme peut-elle (ou ne peut-elle pas) s'abandonner à un homme ?
Vers quel rivage la jouissance nous conduit-elle ?
Les réponses à ces questions sont bien évidemment personnelles et circonstanciées.
"Chaque enfant a une blessure qui est la source de son pouvoir"
Dans cette série, le personnage principal a développé une appétence particulièrement forte pour le sexe, dès l'enfance, dans un contexte de détresse émotionnelle (et de pauvreté matérielle).
La jouissance agit comme un calmant. Le sexe est pratiqué comme un moyen de réassurance et de conquête du monde.
L'anatomie du personnage et son endurance en font un adepte particulièrement performant.
Pour autant, cette quête effrénée semblera trouver une réponse en la rencontre avec la femme qui deviendra son épouse. Là encore, les paroles du personnage me semblent tout à fait à propos:
" Chaque enfant a le pouvoir de devenir un homme. Mais ce pouvoir se trouve dans les yeux de quelqu'un d'autre. Il suffit simplement de savoir où regarder, et d'apprendre que d'être capable de s'abandonner à ce regard, est le seul super pouvoir. Tout le reste c'est du porno."
En tant que conseillère conjugale et familiale, je trouve cette réflexion poétique...
Savons-nous où regarder ? Et comment ?
Sommes-nous prêts à (nous) aimer suffisamment pour prendre le risque de nous abandonner à l'autre ?
Je crois que si la conversion du regard est ce qui nous permet d'éprouver une joie installée; cela offre également la possibilité d'aimer.
Aimer l'autre comme soi-même.
Aimer l'autre comme un autre.
Aimer comme on aimerait être aimé-e.
Muriel Derouet, Conseillère Conjugale , Thérapeute relationnelle
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